Chaque année, ce sont 62 millions de tonnes de vêtements et de chaussures qui sont consommées dans le monde. Et la tendance ne ralentit pas : on atteindrait 102 millions de tonnes d’ici 2030.
En Europe, cela engendre l’équivalent de 16 kg de déchets textiles par personne, faisant de ce secteur le 4ᵉ plus polluant au monde.
Derrière cette frénésie de consommation se cache une réalité géopolitique et sociale préoccupante.
Le marché mondial est dominé par deux puissances :
- Le Bangladesh, 2ᵉ exportateur mondial avec 8 % de parts de marché ;
- Et surtout, la Chine, qui contrôle plus de 41 % du textile mondial.
Cette domination repose sur un modèle industriel subventionné, organisé et piloté par des États-nations voire des Empires :
Des exonérations fiscales pendant 10 ans, des droits de douane allégés, des procédures douanières simplifiées : tout est fait pour favoriser la croissance du secteur au détriment de l’industrie européenne.
Ce modèle est aussi un véritable levier de puissance économique et stratégique.
La Chine investit massivement dans les infrastructures logistiques européennes : elle détient 24 % du port de Hambourg, 51 % de celui de Valence, contrôle environ 10 % du transport maritime en Europe, et a fait de l’aéroport de Liège un hub logistique pour Alibaba. Le même scénario menace l’aéroport de Paris-Vatry.
Mais cette puissance a un prix :
- Conditions de travail indignes au Bangladesh, avec des salaires autour de 100€/mois ;
- Exploitation massive de femmes, parfois même d’enfants ;
- Travail forcé des Ouïghours dans les usines chinoises.
Ce dumping social et environnemental a des conséquences dramatiques aussi en Europe :
- En 2021, entre crise du Covid et explosion de la fast fashion, 13 000 entreprises étaient menacées et 158 000 emplois risquaient d’être perdus.
- Fin 2023, l’emploi dans l’habillement a encore chuté de 18 %.
En France, les enseignes emblématiques de nos centres-villes disparaissent : Camaïeu (511 magasins, 2 100 emplois) en 2022, Jennyfer (550 magasins) aujourd’hui.
Face à ce modèle toxique qui détruit l’environnement, exploite la main-d’œuvre, vide nos centres-villes et fragilise notre souveraineté, nous devons réagir.
Avec mes collègues du groupe S&D, nous défendu des textes essentiels sur le devoir de vigilance, les plateformes numériques et la lutte contre le travail forcé.
Mais il est urgent d’aller plus loin :
- Supprimer dès maintenant l’exonération de droits de douane sur les colis de moins de 150 € – sans attendre 2028.
- Mettre en place un filtrage rigoureux des investissements étrangers dans la logistique stratégique.
- Limiter les publicités et partenariats d’influence qui promeuvent la fast fashion et inciter la promotion d’une industrie de la mode plus vertueuse.
- Accélérer la mise en œuvre du passeport numérique des produits, pour plus de transparence sur leur composition, leur impact environnemental et leur recyclabilité.
Il est temps de défendre un modèle textile durable, local et social, à la hauteur de nos engagements écologiques, sociaux et économiques.