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L’Union européenne n’a pas (encore) retenu les leçons de la pandémie

La politique est faite de symboles. L’annonce de la vente à un fonds d’investissement américain d’Opella, filiale de Sanofi, produisant notamment du Doliprane dans son usine de Lisieux en est un. Si le rachat d’une entreprise par une autre est habituel dans notre système économique, celui-ci fait les gros titres des bandeaux des chaînes en continu et choque, avec raison, l’opinion publique.

Il est la quintessence de deux crises que nous connaissons depuis des années.



Notre difficulté, d’abord, de garder la main sur nos fleurons économiques. Les turbines « Arabelle » d’Alstom, Latécoère, Alcatel ou Pechiney, autant de noms qui résonnent dans notre imaginaire collectif bradés pour une bouchée de pain à des intérêts étrangers.

Si des solutions existent, on pense évidemment au fameux « décret Montebourg », elles ne sont que peu utilisées. Seulement trois fois, dont il faut le souligner le blocage de la vente du spécialiste de l’optique militaire Photonis à l’américain Teledyne, depuis 2014. Les Etats-Unis, y compris sous la Présidence de Joe Biden, bloquent dix fois plus la vente d’entreprises stratégiques...par an !

Au niveau européen, la vente du port du Pirée et l’acquisition de terminaux de conteneurs à Hambourg, Zeebrugge ou Valence par des entreprises chinoises inquiètent. Pour y faire face, un mécanisme de surveillance des investissements étrangers a été adopté en 2019. Malheureusement, il comportait des trous dans la raquette. Il ne prenait pas en compte les entités européennes composées de fonds étrangers et laissait la possibilité aux États-membres de choisir, à leur guise, les pays surveillés. La Commission européenne a donc proposé en janvier une révision de ce mécanisme. 

Je serai chargé des négociations de ce dossier pour le groupe socialiste dans les commissions du transport et du marché intérieur. J’aurai à cœur de pallier ces manques. L’Union européenne ne peut abandonner à des acteurs étrangers ces actifs si sensibles.



Ce rachat rappelle aussi les pénuries de médicaments qu’ont connu la France et l’Europe. Rappelons-nous de la pandémie du Covid-19. Alors que notre Ministre de la Santé, Olivier Véran, annonçait la main sur le coeur devant le Sénat lors des premiers jours de la crise qu’« il n’y [avait] aucun problème de pénurie de médicaments », l’Europe s’est vite retrouvée incapable de fournir suffisamment de masques, respirateurs et médicaments à ses soignants. Les images insoutenables des hôpitaux de Bergame sont rapidement devenues la norme.

« La principale leçon que nous avons apprise du Covid-19 c'est que l'Europe doit être en mesure, à tout instant, de compter sur ses propres ressources pour couvrir ses besoins pharmaceutiques ». Les propos de l’ancien vice-président de la Commission européenne Margarítis Schinás étaient limpides. De même, la Présidente de la Commission européenne, Madame von der Leyen, nous promettait que l’Union européenne allait prendre ses responsabilités face aux échecs de la réponse européenne à la crise sanitaire. Citant Konrad Adenauer, elle rappelait que « l'Histoire est la somme de ce qu'on aurait pu éviter », que l’Union européenne allait se réveiller de ses dépendances sanitaires.

En 2024, qu’en est-il ? Depuis 2019, tous les Etats-membres connaissent chaque année des pénuries de médicaments. Pire, en 2022, 75% des Etats interrogés ont annoncé que ces pénuries se sont aggravées par rapport aux années précédentes, au pic de la pandémie ! Autre chiffre dramatique, 80% des principes actifs que l’on retrouve en Europe sont produits en Chine ou en Inde.

Notre approvisionnement repose sur la bon vouloir de Pékin ou de New Delhi. C’est insupportable.



Mais les dirigeants européens semblent se conforter dans la mise en place de stocks stratégiques. Le Covid-19 nous a pourtant montré qu’ils étaient insuffisants tant il est difficile de prévoir les besoins nécessaires pour surmonter une pandémie mondiale.

L’Union européenne a certes dressé fin 2023 une liste de médicaments vitaux qui sont censés faire l’objet de « mesures nécessaires [...] afin d'éviter les pénuries ». Elle a également légiféré sur la levée des brevets des dispositifs médicaux en cas de graves pénuries ou de crises en octroyant des licences obligatoires. Si la proposition initiale de la Commission allait dans le bon sens, la droite au Parlement européen et le Conseil ont réduit à peau de chagrin la portée de ce texte et les possibilités de le déclencher.

Nous sommes loin d’outils capables de garantir une réelle souveraineté sanitaire de l’Union européenne.


Ce que nous, parlementaires européens, attendons de pieds fermes, c’est la proposition de règlement sur les médicaments critiques promis par Madame von der Leyen lors de la présentation de son programme en juillet dernier.

Si aucun calendrier n’a encore fuité, nous pouvons déjà espérer qu’elle contiendra plusieurs éléments fondamentaux. Un soutien financier à la relocalisation à la hauteur de l’enjeux qui doit nécessairement s’accompagner également de quotas de production en Europe des médicaments, et de leurs principes actifs, dits vitaux pour les laboratoires étrangers souhaitant accéder au marché européen.

C’est seulement à ce prix que les pénuries cesseront. Le temps presse. Car lorsque le pire arrive, il est déjà trop tard.