Le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité
de l’Union européenne s’impose déjà comme un pilier du second mandat d’Ursula
von der Leyen.
Son constat est amer
: l’économie européenne est fragile, sa souveraineté est menacée, et le risque
de décrochage industriel face aux États-Unis et à la Chine est élevé. En deux
ans, le déficit commercial avec Pékin a doublé pour atteindre 390 milliards d’euros
en 2022, tandis que le PIB de l’UE stagne à 65 % de celui des États-Unis.
Rétablir la compétitivité est un défi immense. Si Draghi propose des solutions, certaines rappellent les erreurs des années 1990, où l’Europe se complaisait dans l'obsession de la concurrence pure et parfaite.
L’emprunt commun : une solution temporaire
Un nouvel emprunt
commun pour financer les transitions numérique et écologique est un levier clé
du rapport. Les 800 milliards d’euros d’investissements sont nécessaires pour
moderniser l’industrie européenne, à l'image de l'Inflation Reduction Act américain.
Cependant, cet
emprunt, bien qu’indispensable à court terme, devra être remboursé.
L'expérience du plan
de relance pendant la crise du
Covid-19 l’a montré : ce plan de 750 milliards d’euros a sauvé des entreprises.
Mais à l’approche des élections européennes 2024, l'UE est retombée dans ses vieux réflexes et a durci les règles de l'austérité budgétaire et des déficits publics.
Des solutions durables pour l'économie européenne
La compétitivité de
l’Union européenne est en baisse, mais il ne faut pas pour autant s’engager
dans une spirale d’endettement. Trouver des ressources pérennes est
indispensable pour éviter que les États membres ne s’enfoncent dans les
déficits, au grand dam des citoyens et des entreprises.
C’est pourquoi cette
législature doit voir un accord entre le Parlement européen et les États
européens sur la création de nouvelles ressources propres.
Comment croire qu’un budget représentant d’à peine un petit pour cent du revenu national brut des 27 États suffira à rivaliser avec la Chine et les États-Unis ?
C’est un pas,
peut-être fédéral mais nécessaire pour protéger notre modèle social. Plusieurs
dirigeants, y compris de pays frugaux comme le Danemark, en sont conscients.
Mette Frederiksen, Première ministre danoise, a reconnu qu’il ne fallait “rien exclure” des
débats budgétaires, y compris les nouvelles ressources.
Réindustrialiser grâce aux nouvelles ressources propres
Les pistes pour
trouver de l’argent sont nombreuses, mais elles demandent de la volonté
politique. L’impôt européen sur les grandes fortunes ou la taxation des
superprofits, soutenus par des initiatives comme « Tax the Rich
», pourraient réduire les inégalités tout en finançant la réindustrialisation.
Avec ces mesures, le budget de l’UE pourrait atteindre 5 % du PIB, contre 1 %
actuellement.
De même, une taxe
sur les transactions financières pourrait rapporter 57 milliards d’euros, avec
seulement 0,1 % des transactions visées. Cette taxe a déjà reçu un large soutien, avec 80 % des eurodéputés de
droite en sa faveur en 2023 !
Nous devons aussi
explorer d’autres pistes communes pour accélérer les transitions numérique et
environnementale. Par exemple, la Taxe carbone aux frontières, qui impose aux
industriels étrangers de payer pour leurs émissions de carbone. Elle doit être
élargie aux produits manufacturés. Cela rapporterait 3 milliards d’euros d’ici
2030.
Investir et protéger : notre cap pour la compétitivité
Débloquer de nouvelles ressources doit être notre priorité. C’est à ce prix là que se fera le rebond économique et industriel de l’Europe.
Ce défi sera avant
tout politique avant d’être économique car il faudra convaincre largement les
citoyens, au-delà des institutions. Et cela dans un contexte où, partout en
Europe, des populistes d’extrême-droite tentent de saborder le budget de l’UE,
et qui, avec le soutien idéologique de certains partis libéraux et de droite,
contestent la légitimité même de l’impôt. Tous tirent à boulet rouge sur nos
intérêts souverains.
Pour s’opposer à cette tendance mortifère, il faut montrer que les projets mobilisateurs, comme la réindustrialisation qui fournit aux européens les emplois de demain, sont la clé pour convaincre l’opinion publique que l'Europe est le cadre le plus adapté pour investir et les protéger.