Alors que le Président de la République doit présenter ce vendredi 20 juin une nouvelle stratégie spatiale nationale, j’ai rencontré les acteurs français de l’Espace.
Construire une souveraineté spatiale européenne
L’Europe a pris du retard dans tous les compartiments du jeu, face à l’ampleur prise par l’empire Musk. Mais la supériorité des lanceurs réutilisables de SpaceX et le déploiement des 8.000 satellites en orbite basse du réseau Starlink (contre 650 pour l’Europe) ont eu le mérite de provoquer une prise de conscience collective.
Cela m’a été confirmé par François Jacq, le nouveau président du CNES, et Lionel Suchet, son directeur général, lors de notre échange. Cet acteur historique permet à la France de disposer d’un savoir-faire complet dans le secteur spatial, en contribuant à l’observation de la Terre et des Océans (satellites Spot et SWOT), la recherche scientifique (missions Rosetta ou Mars Express), le développement de lanceurs (Ariane) et bien sûr l’architecture de défense. Le handicap français qu’est le coût comparatif des matériels, est pris à bras le corps, avec son programme Myriade et le soutien aux start up de l’écosystème NewSpace, pour le développement de petits satellites.
Une résilience Française
Ainsi les Français se mettent-ils à l’ouvrage pour revenir dans la course : après les difficultés de transition entre Ariane 5 et Ariane 6, et l’irruption du Falcon 9 de SpaceX, moins cher et réutilisable, ArianeGroup a lancé la création d’un lanceur léger (500 à 1500 kg de charge utile) partiellement réutilisable par sa filiale MaiaSpace, en alliant leur savoir-faire avec l’agilité d’une petite structure.
Cette résilience des opérateurs traditionnels s’accompagne de l’irruption de nouveaux acteurs à l’exemple de la jeune société rémoise Latitude qui espère lancer en 2026 le vol inaugural de Zephyr, son mini-lanceur (100 kg de charge utile, contre 10.000 à 22.000 kg pour Ariane 6) de microsatellites.
Sur ce thème, j’ai tenu à échanger avec Eutelsat, l’opérateur français de connexion satellite. Face à l’ampleur prise par Starlink et le caractère chaotique de la relation transatlantique - on se souvient de Musk menaçant de couper Starlink à l’armée ukrainienne en plein conflit - le retour d’une souveraineté européenne passe par le déploiement de nos propres constellations : c’est l’objet du projet Iris².
Spécialisés dans les satellites en orbite géostationnaire (GEO) rendus obsolètes par l’arrivée d’Internet, l’opérateur historique Eutelsat dû réorienter son activité vers l’orbite basse (LEO), adaptée aux communications en temps réel (passage de 500-600 ms à 20-40 ms de latence). C’est pourquoi Eutelsat a fusionné avec le britannique OneWeb en 2022, se donnant ainsi les moyens d’honorer les promesses d’Iris² de déploiement de constellations européennes en orbite basse.
Cette souveraineté satellitaire est un gage de compétitivité, mais surtout d’indépendance stratégique, par son usage dual civil et militaire. L’investissement dans « la guerre des étoiles » doit devenir une priorité politique.
Les industriels ont déjà commencé à se projeter, comme Dassault Aviation, qui a présenté lors du Salon le projet Vortex, « d’avion spatial » capable de manœuvrer en orbite et de se poser sur une piste classique, en prévision de futurs usages militaires.
Un jeune écosystème dynamique à soutenir
Ce rattrapage technologique et opérationnel peut aussi s’appuyer sur un écosystème dynamique. C’est pourquoi je suis allé à la rencontre de l’Alliance NewSpace, qui rassemble les start-ups et PME innovantes du secteur.
Les perspectives offertes sont éblouissantes : avec Greenerwave, qui développe des antennes polyvalentes, économes en énergie et compatibles avec toutes les constellations, à toute altitude ; avec ThrustMe qui développe de mini moteurs électriques pour les satellites - de la taille d’un Rubik's Cube ! - avec SpaceDreamS, qui conçoit des stations de tir à bas coût et adaptables à tous lanceurs ; avec Skynopy, qui propose un service de partage d'antennes pour éviter aux opérateurs de satellites d'en acheter.
Ces jeunes pousses apportent aujourd’hui leur contribution au projet spatial français, et il revient à la puissance publique de les soutenir et leur donner le potentiel d’être demain des champions européens.
Car si l’avenir de l’Europe spatiale se trouve dans cette alliance entre la capacité de disruption de ce nouvel écosystème et la capacité de réinvention des acteurs historiques, l’Europe doit investir massivement dans ce secteur hautement stratégique. Alors que les États-Unis dépensent 65 milliards par an pour leurs programmes spatiaux, les dépenses européennes n’atteignent que 12 milliards d’euros, soit un rapport de 1 à 5.
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